Narcisse
Lorsque naquit Narcisse, un oracle annonça à ses parents qu’il vivrait vieux et heureux s’il ne voyait jamais son propre visage. Sans bien comprendre le sens de cette prophétie, ses parents bannirent de leur demeure toute espèce de miroirs. En grandissant, Narcisse devint un adolescent d’une exceptionnelle beauté. Toutes les femmes qui le voyaient brûlaient d’amour pour lui.
La nymphe Écho, en particulier, celle-là même qui avait déjà eu avec Jupiter une aventure malheureuse, fut l’une de ses admiratrices les plus éperdues. Mais Narcisse, atteint apparemment d’une incurable misogynie, ne leur accordait pas la moindre attention.
Un jour qu’il revenait de la chasse, il s’arrêta à une fontaine pour se désaltérer. Comme il se penchait au-dessus de l’eau, il vit s’y refléter son image. Il la trouva si belle, qu’il en tomba amoureux. Fasciné, il restait là à la contempler, sans bouger, sans manger et même sans boire, car il craignait, en trempant ses lèvres dans l’eau de la fontaine, d’en troubler un instant la surface. Au bout de quelques jours, il mourut de faim et de soif.
Lorsque Charon, le nocher des enfers, lui fit traverser l’Achéron, Narcisse, penché au-dessus du fleuve noir, y contemplait encore son image.
— Et des histoires d’amours normales, entre un homme et une femme qui s’aiment et sont heureux, cela n’existe pas ? demanda un jour Ulysse à Calypso,
— Ce genre de situation n’est malheureusement pas aussi normal que tu le penses, répondit Calypso ; mais j’en connais tout de même un exemple, celui de Philémon et Baucis.